Le droit d’auteur : entre naturalisme et utilitarisme

René Magritte l’avait esquissé bien avant la codification du droit de la propriété intellectuelle. Ceci n’est pas une pipe doit être analysé comme tel : Ceci n’est pas un droit d’auteur. Appliquée au droit, La Trahison des images (René Magritte, 1928) nous livre une analyse pertinente du droit d’auteur vis-à-vis de sa titularité. Quand bien même celui-ci est appelé “d’auteur”, cela n’en reste qu’une vulgaire représentation, et à la manière d’un tableau représentant une pipe qui ne saurait se fumer, ici le droit d’auteur ne saurait être uniquement celui de l’auteur sur son œuvre.

Selon les professeurs S.Guinchard et T.Debard dans leur dernière édition du Lexique des termes juridiques 2024, le droit d’auteur est une prérogative attribuée à l’auteur d’une œuvre de l’esprit et comporte un droit pécuniaire (droit patrimonial) et un droit moral. Ces derniers analysent alors le droit d’auteur comme droit de l’auteur sur son œuvre.

Pour autant, cette vision n’est pas partagée unanimement. Pour le professeur N. Binctin, le droit d’auteur n’est pas un droit attaché à la personne de l’auteur mais un régime spécial de droit des biens dont jouit l’auteur ou toute autre personne désignée par la loi, dès la création, sur des biens intellectuels originaux.

Historiquement, deux conceptions s’opposent concernant le fondement des droits d’auteur. D’un côté, l’approche philosophique développée par J.Locke (XVIIe siècle) repose sur l’extension du droit de propriété à l’esprit et par conséquent à la protection de l’auteur sur son œuvre. Selon lui, le droit d’auteur est un droit naturel qui découle des droits de l’homme. Inversement, se développe une vision plus utilitaire du droit de l’auteur dès le XIXe siècle qui tirait sa source dans la notion d’efficacité économique. La question de la titularité du droit d’auteur est alors sujette à deux conceptions opposées [à ajouter].

Juridiquement, il semble de plus en plus complexe de désigner le droit d’auteur comme étant exclusivement le droit de l’auteur. Dès la loi 57-298 du 14 mars 1957, le législateur prévoyait une situation dans laquelle les co-auteurs d’une œuvre collective n’étaient pas investis du droit d’auteur. Le droit s’inscrit depuis lors dans une dynamique d’élargissement de la notion de droit d’auteur, qui n’est pas uniquement celui de l’auteur sur son œuvre.

Économiquement, le droit d’auteur comme droit utilitaire possède bien d’avantages, en facilitant certains mécanismes d’échange comme la cession. Le droit positif ne bloque pas l’idée du transfert des droits de l’auteur à un tiers. Le modèle français est remarquable car il reconnaît un droit moral perpétuel et inaliénable à l’auteur. Cette protection est d’autant plus notable dans un environnement où la possibilité de céder le droit moral est largement favorisée. Certains pays, comme le Japon, reconnaissent également un droit moral perpétuel et inaliénable, mais font face à l’apparition fréquente de clauses de cession dans la pratique commerciale.

Ainsi, la pertinence de la conception d’un droit de l’auteur est difficile à justifier tant elle semble n’être qu’une conception au mieux simplificatrice du droit d’auteur, au pire dépassée par l’évolution économique et utilitaire du droit d’auteur.